Les clés du royaume !

Quand je ne fais pas de reliure pour les autres, j'ai enfin du temps pour moi ! Je veux dire j'ai le temps de penser à me faire un beau livre. J''avais dans mes kilomètres de bouquins déglingués un Archibald Joseph Cronin, Les clés du royaume, dont la couverture qui avait été belle s'en allait de la coiffe !

Belle couverture au départ veut dire aussi belle impression et beau papier. Là vraiment l'éditeur avait gâté ses lecteurs, papier très épais d'un blanc immaculé qui n'a pas roussi avec les ans, tranche de tête dorée, très jolies illustrations, le tout imprimé à Nantes en 1958 !

Je ne pouvais faire autrement que de le rhabiller correctement. J'avais lu ce livre il y a très longtemps et ne m'en souvenais guère. La mauvaise mémoire à au moins l'avantage de ne pas vous dévoiler tout de suite la fin d'un livre déjà lu !

J'ai donc fais ma reliure avant de le relire.

Francis Chisholm, petit écossais pas très riche vit une enfance presque heureuse. Il partage ses jeux avec sa cousine Nora dont il est fou. Mais très tôt ses parents meurent dans un effroyable accident et il part vivre chez son grand-père, remarié avec une femme qui ne l'aime pas car son fils du même âge est moins doué que lui pour les études. Francis se sent bien seul. Heureusement il se réfugie souvent chez un copain dont le père est médecin. Sa tante, la mère de Nora, vient enfin le récupérer après que le médecin lui ait écrit combien Francis est mal nourri et soigné. Il va vivre chez elle et son mari qui a monté un bar. La vie est bohème et agréable mais Francis fait des études studieuses et sa tante rêve de le voir devenir prêtre.

Francis lui pense à Nora, mais Nora ne pense pas à lui. Le jour où elle quitte la maison et qu'il comprend qu'elle ne l'épousera jamais il accepte enfin l'idée de la prêtrise.

Après son séminaire il est envoyé dans une paroisse ouvrière en Irlande où la vie lui est très dure, le froid et la pauvreté lui rendent la vie impossible pendant plusieurs années.

L'idée d'aller évangéliser les pays lointains le tenaille. Le voilà bientôt en route pour la Chine où son évêque lui a promis une belle mission déjà prospère. Force lui est de constater à son arrivée que l'évêque est mal enseigné, l'église effondrée et la mission inexistante. Pas une âme pour l'accueillir. Son prédécesseur payait des « catéchistes » pour amener les gens au baptême. Mais ni les catéchistes, ni les baptisés n'étaient de bonne foi, ils profitaient juste de la manne distribuée par la mission.

Commence alors une longue attente. Patiemment il va attirer les gens à lui en leur prodiguant d'abord des soins, sans rien leur demander ni sans les enseigner dans sa foi. Lui-même vit en dessous du seuil de pauvreté comme on dirait aujourd'hui. Il dort sur une paillasse dans ce qui ressemble à une cabane et ne mange presque rien. Les gens se laissent toucher par sa gentillesse, et le jour où il sauve le fils unique du riche homme de la région, il reçoit en remerciement un terrain magnifique sur la Colline de Jade Vert Vif qui surplombe la ville.

La voilà enfin sa Mission ! Il y construit église, maisons, école et accueille un jour trois sœurs qui viennent constituer son équipe d'enseignement. Pas de chance, la mère supérieure, fille d'une famille noble allemande, le considère de haut et le met à l'écart de leur vie. Il ne peut aller dans son école sans demander la permission d'entrer et se retrouve étranger dans sa propre demeure. Infatigable et humble il continue néanmoins son travail auprès des pauvres. La peste sévit et il s'éreinte à soigner tout le monde, son copain fils de médecin, devenu médecin lui-même le rejoint à cette occasion.

Lorsqu'en Europe la guerre est déclarée entre l'Allemagne et ses voisins voilà la discorde qui s'immisce dans son couvent, les trois sœurs se regardent en ennemies, l'Anglaise et la Belge contre l'Allemande. En plus des mercenaires chinois se font la guerre pour des parcelles de terrain et la Mission est au milieu des batailles. Francis soigne sans distinction de camp et s'attire les foudres d'un des chefs qui finit par l'arrêter et le fait torturer. Il sera blessé grièvement pendant son évasion.

Lorsque notre pauvre prêtre, vieillit par la vie ascétique et les manques de soins qu'il a vécu pendant plus de trente ans en Chine est prié de rentrer en Angleterre, son évêque (enfant qui partagea ses jeux et ses classes) ne lui sera reconnaissant de rien, minimisera ses résultats en Chine et voudra le mettre dans une maison de retraite, l'empêchant par là de recueillir le fils de sa cousine Nora qui n'a plus que lui sur terre.

Mais le bon Dieu veille sur ses pasteurs et Francis obtiendra la paroisse de son enfance...

Quelle vie ! Y a t-il encore aujourd'hui des prêtres de cette trempe ? Plein d'abnégation et d'amour pour leur prochain et même pour leurs ennemis. Y a-t-il des hommes tout court comme cela ?

Je suis contente que la Chine ait un peu changé depuis cette époque car ma fille vient d'y passer deux ans, je n'aurai pas supporté l'idée qu'elle y soit dans de telles conditions !

En tout cas j'ai beau avoir résumé assez en détails cette histoire, je vous conseille de la lire. Il y a beaucoup de choses que je ne vous ai pas relatées et il y a le talent de l'auteur en plus !